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Le programme de réintroduction de chimpanzés du Projet H.E.L.P.
En quelques mots
ø Ce programme est mené sur le terrain, en République du Congo, par H.E.L.P. Congo. Il a débuté en 1996 et il concernait, début 2006, 40 individus, tous nés en République du Congo. La très grande majorité d'entre eux ont passé plusieurs années en semi-liberté sur une des îles du Sanctuaire de Conkouati. Tous ces Un chimpanzé équipé d'un collier émetteurchimpanzés ont été relachés sur le site du Triangle ou à proximité immédiate, au sein du Parc National de Conkouati-Douli. Leur lâcher s'est fait par petits groupes, entre 1996 et début 2006, après un important suivi sanitaire. Dès leur premier jour en forêt, ces individus ont été observés afin d'étudier leur adaptation à ce nouvel environnement.
ø Non seulement le taux de survie est important, mais le comportement alimentaire des individus relachés est tout à fait comparable à celui de leur congénères sauvages. Les contacts avec des chimpanzés sauvages sont très nombreux et déjà, plusieurs des femelles relachées ont mis au monde de jeunes bébés.

Face à ce succès, et riche de son expérience, le Projet H.E.L.P. étudie la possibilité de lancer un nouveau programme de réintroduciton sur un autre site. Paralèllement, nous proposons notre expertise à d'autres projets en Afrique, interessés par la remise en milieu naturel de chimpanzés.

Réintroduire des chimpanzés : une problématique difficile !
ø La ré-introduction de chimpanzés doit faire face à des problèmes communs à toute re-introduction en milieu naturel, comme :
      · la nécessité de respecter les individus concernés, les aspects sanitaires, les populations animales sauvages ;
      · l'appréciation de l'intérêt d'un tel acte pour l'espèce ;
      · la nécessité de protocoles rigoureux de mise en place et de suivi ;
      · la prise en compte du possible impact sur l'environnement....
ø Les relations entre chimpanzés peuvent être très profondesPour ce qui concerne l'espèce chimpanzé, des difficultés spécifiques s'ajoutent : le chimpanzé est une espèce au comportement sociale très complexe. La capture de jeunes individus sous-entend un grave traumatisme psychologique et la perte des repères sociaux. Chez cette espèce, l'apprentissage auprès des adultes est long. La séparation du groupe d'origine, en particulier de la mère, hypothèque donc fortement la capacité de vivre normalement en forêt. Pour tenter de répondre aux besoins des jeunes orphelins (affection, contact maternel, apprentissage) un important contact direct entre primates et soigneurs est nécessaire. Ceci amène à une forte imprégnation humaine de ces animaux, source potentielle de problèmes au moment de la réintroduction.
L'introduction de nouveaux individus en forêt peut rencontrer d'importantes difficultés liées à l'agressivité de l'espèce. En effet, il est régulièrement observé des attaques de chimpanzés par des congénères issus de communautés différentes, attaques se soldant régulièrement par des blessures parfois graves, voire mortelles.
L'ensemble de ces facteurs explique en grande part qu'il n'existe pas de cas antérieurs de vrais programmes de réintroduction de chimpanzés en milieu naturel (Voir "Conservation de l'espèce chimpanzé").

Préparation du programme de réintroduction
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Dès sa conception, ce programme a veillé aux
conditions à respecter, telles qu'elles sont définies par le Groupe des Spécialistes des Réintroductions de l'UICN. H.E.L.P. Congo a particulièrement tenu compte de la nécessité d'une excellente préparation, d'un protocole de lâcher rigoureux, d'un important suivi après les lâchers, au niveau vétérinaire, comportemental et impact sur l'environnement.
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Dès le début, H.E.L.P. Congo a travaillé en partenariat avec les acteurs de la conservation de la zone de Conkouati, comme actuellement le WCS et les agents des Eaux et Forêts, tous en charge de la gestion du Parc National de Conkouati-Douli.
ø Trois points essentiels dans cette phase préparatoire : la phase d'expertise, la signature d'accords avec le gouvernement congolais, la préparation sur le terrain
La phase d'expertises a débuté en 1994 par une première mission de la primatologue Caroline Tutin, venu estimer la faisabilité de ce projet. A la suite de son avis favorable, le projet a été présenté aux autorités et divers accords ont été signés.
En 1996, une deuxième mission de C. Tutin et une mission du botaniste P. Sita ont permis de définir et étudier le site de lâcher le plus favorable, à savoir le Triangle, zone de forêt à environ 1 heure 30 de bateau du sanctuaire de Conkouati.
Toujours en 1996, l'ensemble des chimpanzés du sanctuaire ont fait l'objet d'un important contrôle vétérinaire, première phase du suivi sanitaire de ce programme.
Enfin, il fut installer les infrastructures nécessaires sur le site du Triangle : camp en forêt, ouverture de pistes ou layons balisés en forêt pour les déplacements et le repérage.

Réalisation
ø Pose d'un collier émeteur sur un chimpanzé en cours de lâcherDe 1996 à 2001, 36 chimpanzés issus du Sanctuaire ont été réintroduits dans ce programme. Trente cinq d'entre eux avaient faits l'objet de saisie ou confiés par des particuliers ou des zoos congolais à H.EL.P. Congo. Un seul est né au Sanctuaire et a été relaché, agé de moins de un an avec sa mère. Ces 35 premiers individus ont été relachés après un passage assez long sur le sanctuaire de H.E.L.P. Congo, comptant un séjour en nursery (de quelques jours à envrion 3 ans) et un séjour sur une des îles du Sanctuaire de Conkouati (de 3 à 8 ans). Sur ces îles, les animaux vivaient en semi-liberté, au sein de groupes structurés socialement et les contacts avec les humains se sont réduits à l'apport de compléments alimentaires.
A l'exception du bébé relàché avec sa mère, les individus ont été réintroduits sur le site du Triangle agés de 6 à 15 ans. Ces réintroductions ont été faites par petits groupes, de deux à douze individus, un ou deux groupes étant relachés par an, de novembre 1996 à mi 2001.
ø De septembre 2000 à début 2006, quatre individus, dont deux début 2006, ont été lâchés sur le Triangle après un séjour limité sur le sanctuaire de Conkouati (mais toujours après le même contrôle sanitaire). Issus aussi de saisis ou confiés à H.E.L.P. Congo par des particuliers, ils ont donc été relachés à un jeune âge, un à deux ans. Ils sont lâchés seul ou par deux et intégrés peu à peu dans les groupes d'individus précédemment relachés. Ce mode opératoire s'avère moins stressant pour l'individu : il découvre la forêt dans le site où il vivra, il apprend auprès des individus précédemment relâchés et il ne subit pas le stress de quitter son île et d'arriver sur un site inconnu, après un transfert sous anesthésie générale.

Suivi sanitaire
Une importance particulière fut donnée par H.E.L.P Congo au suivi vétérinaire, avec notamment une implication du CIRMF (Centre International de Recherche Médicale, Libreville - Gabon). L'objet principal a été de mettre en place une procédure pour limiter au maximum les risques sanitaires pour les populations animales sauvages présentes sur la zone de réintroduction. Pour répondre à ces impératifs, H.E.L.P. Congo a maintenu en continu la présence d'un vétérinaire sur ses sites depuis 1992. Concrètement, cet important monitoring vétérinaire repose :
    · la réalisation d'examens cliniques, des soins nécessaires et d'une quarantaine pour tout nouvel arrivant
    · la réalisation d'au moins un bilan sanitaire complet, sous anesthésie générale le plus souvent, de tous les individus candidats à la réintroduction (examen clinique, analyses parasitaires, sérologiques (hépatites, HIV...), tuberculinisation et traitement préventif comme la vermifugation et la vaccination) ; ces examents sont refaits au moment du relâcher, avec la pose d'un collier émetteur et prise de poils pour typage génétique
    · le suivi par observations à distance et analyses coprologiques des animaux réintroduits
    · l'arrêt des traitements de prévention sur les animaux libérés, sauf au moment de l'arrivée de nouveaux individus au sein de groupes déjà relâchés
    · la réalisation d'actes vétérinaires si la survie d'un chimpanzé relâché est directement en jeu.

Le suivi des chimpanzés relâchés
ø Le suivi par observations et télémétrie
Exemple de travail de suivi des chimpanzésDans leur nouveau milieu, les chimpanzés équipés de colliers émetteurs font l'objet d'un suivi journalier qui devient plus espacé après plusieurs mois. En 2006, ce suivi concerne essentiellement les mâles et les femelles avec bébés.
Ainsi, depuis décembre 1996, plusieurs milliers d'heures d'observations ont été réalisées. Ces dernières, basées sur des relevés espacés de 10 minutes, concernent notamment : le comportement alimentaire (ex : espèces consommées), les déplacements et l'exploitation spatiale du site de réintroduction, les interactions sociales, les contacts avec les populations sauvages...
Les individus sont équipés le jour de leur lâcher de collier émetteur d'une portée d'environ un kilomètre et d'une durée de vie d'une année. Dans les premiers temps qui suivent leur lâcher, les chimpanzés sont suivis tous les jours, si possible du nid au nid. Les colliers permettent alors de les localiser s'ils échappent à un tel suivi, ce qui est relativement courant du fait des conditions de terrain. Avec le temps, ce monitoring se fait moins intense : les colliers sont alors indispensables pour retrouver les chimpanzés. La durée de vie de ces colliers étant d'environ 1 an, sont ré-équipés surtout les leaders, les femelles avec bébés ou les plus jeunes. Les individus sans collier sont alors observés de façon plus ou moins occasionnelle, au hasard des rencontres en forêt.
ø Le suivi génétique
Chaque chimpanzé concerné par notre programme a fait l'objet d'un typage génétique. Connaître leur empreinte génétique est essentiel pour deux raisons majeures :
    · les animaux étant de mons en moins observés, la génétique nous offre un moyen de suivi indirect nous permettant de certifier de façon formelle (à 99 %), la présence de tel ou tel individu à un endroit donné et à un instant donné, à partir d'analyses de selles prélevées en forêt.
    · le nombre de naissance parmi les femelles relachés est en augmentation permanente ; grâce à la génétique nous pouvons définir qui est le père, notamment si c'est un individu relâché ou un chimpanzé sauvage. Ceci est essentiel pour comprendre les intéractions avec les populations sauvages de chimpanzés.

Résultats pour les chimpanzés réintroduits
ø Taux de survie
Sur les 38 chimpanzés relachés entre 1996 et 2002, 6 sont morts, 4 femelles ont été perdu juste après leur lâcher par défaillance de leur collier, 8 individus ont été suivis au moins trois mois après leur réintroduction mais n'ont pas été vus depuis plus de un an, et 21 sont observés de fréquemment à tous les jours. Parmi les 8 individus non vus depuis plus de un an, on compte plusieurs femelles ayant disparues de longues périodes par le passé et revues au hasard d'une rencontre.
ø Interaction homme-chimpanzé
La nature des réactions des chimpanzés relâchés face à l'homme est un des éléments les plus positifs de ce programme. Après la période de fuite suivant les lâchers, les chimpanzés montrent généralement de l'indifférence vis à vis de l'homme, même si le maintien d'un attitude neutre reste indispensable. De plus en plus, ils se montrent même difficilement approchables.
ø Condition corporelle
De façon générale, aucun apport de nourriture n'est nécessaire. Un nourrissage a été parfois indispensable pour certains individus pendant la période critique suivant leur relâcher, quand le stress les avait poussés à fuir dans des zones peu riches en nourriture ou pour un chimpanzé convalescent. Les causes principales des interventions vétérinaires sont des blessures, parfois très graves, suite aux attaques de chimpanzés sauvages.
Jeannette cherchant des larves dans des racines pourriesø Comportement alimentaire
Les individus relâchés ont un comportement alimentaire adapté, riche et comparable à ce qui est décrit chez les populations sauvages et ce à divers plans comme : les techniques de collecte et de consommation des aliments (utilisation d'outils...), le temps consacré à l'alimentation (58 % du temps journalier), la dominance des fruits dans l'alimentation (plus de 60 % du temps consacré à l'alimentation correspond à la consommation de fruits, surtout de pulpes), la variété alimentaire en terme de nombres d'aliments différents consommés (plus de 200), et de nombres d'espèces végétales exploitées (plus de 135), le suivi des rythmes des fructifications, l'exploitation d'aliments dit de réserve (feuilles, tiges d'herbacées...) en cas de baisse de disponibilité en fruits
ø Comportement général
Très rapidement, les chimpanzés réintroduits ont montré un comportement exploratoire très marqué. A ce jour, ils ont très largement dépassé le cadre du
Choupette et son 1° bébé né en 2001Triangle et exploitent la partie attenante au Triangle du Parc National de Conkouati-Douli. Par ailleurs, le comportement de fusion-fission a été observé très tôt après le premier relâché. Ce comportement social s'est accentué en 2000. Il concerne l'ensemble des individus réintroduits et varie suivant le nombre de femelles en chaleur et la disponibilité alimentaire, comme au sein des communautés sauvages.
ø Interactions avec les chimpanzés sauvages
Un des intérêts de ce programme de réintroduction serait de pouvoir à terme contribuer au renforcement des populations de chimpanzés sauvages. Les contacts entre chimpanzés sauvages et relâchés sont de plus en plus nombreux et durables. Dans la grande majorité des cas, les choses se déroulent au mieux et la présence d'observateurs semble interférer de moins en moins. Ce sont les mâles qui sont le plus en but aux attaques de leurs congénères sauvages, avec des blessures graves, ayant entraîné la mort. Par contre, les femelles sont plus facilement acceptées, surtout si elles sont en oestrus. Elles peuvent alors partir plusieurs mois avec eux.
ø Comportement reproducteur
La très grande majorité des femelles étaient pubères et les mâles en âge de se reproduire à leur lâcher. La première naissance d'un bébé né d'une femelle relâchée a eu lieu en 2001. On compte début 2006 un total de 8 naissances.

Les mandrills sont aussi habitants du TriangleRésultats pour le site de réintroduction
ø Aucun signe de sur-exploitation de la zone n'a été observé. De plus, les chimpanzés sortant des limites du Triangle, ce risque reste très limité.
ø Les impacts de ce programme sur le site de réintroduction concernent surtout la protection de la zone de Conkouati. En effet, sur l'ensemble forestier exploité par les chimpanzés réintroduits ici, la déforestation s'est arrêtée et surtout le braconnage a subi une baisse drastique. Ceci se manifeste notamment par l'augmentation des contacts avec la faune sauvage. Ainsi, par exemple, les observations d'éléphants sont devenues très fréquentes et celles de cercopithèques presque journalières.

Résultats pour l'espèce chimpanzé
Les résultats du programme de réintroduction de H.E.L.P. Congo au niveau de l'espèce sont encore peu quantifiables. Mais on peut déjà constater que :
    · cette action est devenue une référence essentielle pour tous futurs programmes de ce type ; c'est ainsi que H.E.L.P. Congo a participé à la rédaction des nouvelles recommandations du groupe de spécialistes en réintroduction de l'UICN. Notre action permet d'envisager de nouveaux outils pour la conservation de l'espèce chimpanzé comme la réintroduction, mais aussi la translocation d'individus ou de populations sauvages.
    · cette action contribue à la protection d'une zone forestière unique pour la survie de l'espèce : la région de Conkouati
    · cette action joue un rôle non négligeable de sensibilisation sur le devenir des primates, aussi bien au niveau du Congo qu'en dehors grâce à un important effort de communication et de diffusion des résultats.

Enseignements et avenir
ø La phase de lâcher du programme débuté en 1996 est presque achevée à ce jour. Par contre, le suivi des individus, même s'il deviendra encore de plus en plus discret, va se poursuivre. Il faut notamment apporter des réponses sur l'évolution de la structure sociale de la communauté des relâchés, sur leurs succès reproducteur et sur leurs interactions à moyen et long terme avec les populations sauvages.
ø Dès à présent, on peut dire que ce programme est un succès, ne serait-ce que parce qu'une solution durable et acceptable a été trouvée pour l'avenir d'une trentaine de chimpanzés ex-captifs.
ø Aujourd'hui, le Projet H.EL.P. étudie la faisabilité d'un nouveau programme de réintroduction, sur un autre site que le Triangle. De plus, nous proposons notre expertise pour aider d'autres projets souhaitant développer un programme de réintroduction de chimpanzés. De nouvelles aventures en perspective et peut-être un espoir pour d'autres chimpanzés captifs.

Mais notre programme enseigne aussi que de telles actions ne sont possibles qu'en respectant certaines conditions et un protocole rigoureux. Et cela ne peut pas être appliqué à tous les chimpanzés captifs. De telles actions ne peuvent donc rester que des outils. L'essentiel de la solution pour la survie de l'espèce chimpanzé, comme pour la plupart des espèces animales et végétales, reste toujours dans le développement d'actions pour la protection des populations in situ et la gestion durable de leur habitat. Nous ferons là aussi notre maximum !

 

 

 


© H.E.L.P. International - 2006 // mise à jour le 22/02/2007